L'ARBRE À PALABRES, Sagesse & beauté

CONCEPTS

Q. : Je crois que c’est ce qui est difficile : arriver à perdre tous les concepts

Éric Baret : Vous n’avez même pas à les perdre I Il y aura toujours des concepts. Mais vous n’êtes plus limité par eux.

Ce que nous pensons l’un et l’autre de la vie sera toujours différent, lié à notre culture, à notre hérédité. Il y aura toujours des pensées. Mais, à l’instant où vous vous rendez compte que tout ce que vous pouvez penser est un préjugé, vous êtes libre de votre pensée, c’est-à-dire que vous n’abordez plus les situations en fonction d’elle. Je sais que mes opinions viennent de mes préjugés, de ce que j’ai lu, appris, entendu, pensé… Donc, si quelqu’un pense différemment de moi, cela ne peut plus être une cause de conflit pour moi. Je sais que si j’avais son hérédité, sa culture, son expérience, je penserais comme lui. Et s’il avait le même passé, la même hérédité, la même culture, la même expérience, le même mode de raisonnement que moi, il penserait comme moi. Nos deux opinions sont aussi nulles et aussi justes l’une que l’autre. Toutes deux sont inévitables. Les serpents voient le monde comme des serpents, les mangoustes comme des mangoustes. Il n’y a pas une vision qui soit plus juste que l’autre. Selon que vous avez été aimée ou maltraitée très jeune, vous voyez le monde d’une manière ou d’une autre. On garde toujours une forme de coloration de son milieu, de sa culture, même quand on fait semblant de changer de culture ou de milieu. Quand on se rend compte de cela, on n’est plus limité par ses opinions. On est à l’aise avec toutes les opinions, avec toutes les cultures, avec tous les systèmes de pensée, avec les gens qui mangent de la choucroute comme avec ceux qui pratiquent le yoga. C’est ce que l’on appelle la disponibilité.

Si vous n’êtes plus pris par votre propre opinion, une forme de plasticité se fait dans votre vie. Au lieu d’avoir une vie très fermée, très scellée sur « c’est cela qui est juste, tous ceux qui pensent autrement se trompent », votre vie devient disponible et vous ne voyez plus de conflit dans ce qui pourrait se présenter. Si la vie vous apporte la chance de pratiquer un art, vous le pratiquez, et si elle vous empêche de le pratiquer, vous ne le pratiquez pas. Rien ne vous manque. Si vous êtes seul dans votre chambre d’hôtel le matin à cinq heures, vous faites du yoga. Si vous n’êtes pas seul ou si vous avez un avion à prendre, vous faites ce qu’il y a à faire. Vous conversez avec votre visiteur ou vous prenez l’avion. Rien ne manque ; pas de choix. S’il y a des carottes, vous mangez des carottes, et s’il n’y en a pas, vous improvisez. Cela amène une très grande facilité de vie.

La vie est facile. Les gens ont une vie difficile lorsqu’ils ont une vie conceptuelle, des opinions du type « c’est juste, c’est faux ». Toute la vie est alors un conflit pour faire ce qui est juste et éviter ce qui est faux. C’est une vie dramatique. À un moment donné, on ne vit plus ainsi ; ce qui est là est ce qui est juste. Cela ne signifie pas que, s’il y a conflit, je n’agirai pas. Peut-être faut-il faire la guerre ou être violent ; cela fait partie de cette disponibilité. Mais ce n’est plus pour quelque chose, pour une idéologie ; c’est par quelque chose, par une résonance.

Il n’y a que vous qui puissiez sentir si vous êtes fait pour fréquenter les brasseries ou les séminaires de yoga. Et vous ne pouvez le savoir que le jour où vous voyez qu’il n’y a aucun choix là-dedans. C’est quelque chose qui est inscrit en vous ; vous allez suivre ce qui est inévitable.

Extrait d’entretien avec Eric Baret
Tel que retranscris par Roxane Chapdelaine, Québec

 


 

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