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SYSTÈME

Système.
Ces mots s’adressent à toi. Il a été difficile de trouver un mot unique pour te définir. Pour te nommer. Es-tu seulement définissable, toi qui ne fait que définir ?
Définir l’individu dans une case bien précise, que tu peux parfaitement contrôler. Derrière tes grandes promesses de sécurité, tu nous fait sombrer dans un rythme qui nous éloigne de nous- mêmes. Te rends-tu compte de la gravité de tes actes ? Tu fais de nous des gens pauvres et malades de l’âme. Du burn-out à la dépression, de la solitude au suicide, tu nous insères lentement ton mensonge, celui que l’on voit partout. Dans les trains, sur les réseaux sociaux, sur nos comptes en banques, dans nos contrats d’assurances, sur le visage de nos proches, même dans leurs coeurs. De quelle force de vie faut-t-il être habité-e pour pouvoir te résister ?

Tu nous tues à petit feu, en nous faisant croire qu’il est nécessaire pour notre bien de travailler toute la journée, avec des horaires bien précis, chronométrés, qui nous font oublier notre propre corps.Tu nous octroies malgré tout deux jours de repos, durant lesquels tu nous fais subtilement consommer pour oublier ta tyrannie, cette prison dans laquelle tu nous susurres que nous n’avons pas le choix d’être, pour survivre. Contre une rémunération que tu t’empresses de nous faire gaspiller pour des futilités qui nous promettent une vie meilleure pour demain. Quelle grandeur d’âme.

De quel droit voles-tu ainsi nos instants présents ?

Moi aussi, j’ai cru qu’il n’y avait pas d’autres voies possibles que celle de faire partie de toi. J’ai mis du temps à réaliser que le tiraillement constant qui me faisait souffrir venait de notre incompatibilité à toi et moi. J’ai malgré moi, tenté de m’adapter, en gardant fort dans mon coeur ma vérité : ne jamais faire aucunes concessions sur mon art. Cela m’a sauvée. Mais malgré cette résistance-là qui a tenu bon, je me suis faite engloutir ailleurs.

Je comprends aujourd’hui la fatigue de vie, l’usure que ce tiraillements a créé . C’est tout simplement impossible. Je ne peux pas t’appartenir. Comment puis-je seulement m’adapter à l’esclavagisme moderne et vicieusement caché que tu nous imposes, tout en vibrant pour la liberté de l’être, du temps, du corps et de la vie ?

J’ai essayé, crois-moi. Et comme la plus part d’entre nous, j’ai cru que tout cela était nécessaire. J’ai laissé la peur, tu sais, celle que ceux qui te gouvernent savent parfaitement insérer par leurs médias et leurs politiciens, par leurs assurances et leur éducation, s’infiltrer dans mon coeur. C’est que tu es fort. Un vrai manipulateur, omniprésent, mensonger et prometteur d’apparence. Tu existes partout, depuis notre enfance. A peine le temps de s’émerveiller sur le monde que tu nous envoies la première de tes droites dans la gueule : celle d’une école qui prone la compétition, le silence des émotions et le gain avant l’être. Une école qui fabrique de futurs esclaves pour te servir. Oh combien il m’aurait été plus utile aujourd’hui d’apprendre à planter des légumes que les cours d’économie, imposés par l’école obligatoire, durant lesquels je ne rêvais que de fuir. Lorsque je regarde en arrière, je vois combien tu m’as toujours profondément dégoutée. Combien je n’ai jamais été heureuse dans ton cadre si malsain. Je n’ai jamais trouvé ma place en toi. Mais j’ai aussi été influencée par ta merde. Ton existence est la source de nombreux dysfonctionnements.

Tu as tué plusieurs de mes proches, rendus malades beaucoup de mes ami-e-s, et malheureux-se la plus part, qui  » gagnent leurs vies » sous ton regard contrôlant. Moi aussi, tu m’as affaiblie.
C’est tellement triste, de croire que ce cadeau merveilleux se gagne. C’est tellement triste, de passer à côté de cette vie si riche, loin de toi. Et c’est la réalité de tellement d’êtres. Je vois combien ta pourriture se propage comme un poison lent dans les couples et les familles, chez les enfants, chez les jeunes, dans les liens. Tu créés la fatigue physique et mentale, l’usure de l’existence, le doute de l’être et pire que tout, la peur du manque. Comment as-tu réussi à créer ainsi cette peur du manque dans un pays qui déborde de trop ? Cette peur est ton levier de pouvoir. Tu l’utilises de manière si toxique et insidieuse pour nous asservir. Nous avons tant besoin de compenser que nous tuons nous aussi, notre propre environnement. Pour oublier notre quotidien. Parce que  » nous avons bien le droit de nous faire plaisir, après avoir passer notre semaine à te servir.  »

Nous devenons fous, nous perdons les valeurs profondément humaines de la vie, de l’instant. Tu nous abrutis pour mieux nous dominer. Sous ton regard, nous ne pouvons pas être nous- mêmes. Nous ne pouvons pas être.

Aujourd’hui, je me tire. Je m’extrais de tes barreaux . Je ne veux plus avoir mal au ventre, à chaque fois que j’ouvre ma boite aux lettres. Je ne veux plus me lever dans un rythme de sommeil qui n’est pas le mien. Je ne veux plus manger de la merde, parce que je n’ai pas le temps de m’occuper de mon corps. Je ne veux plus rester devant un écran, pour répondre à ton stress. Je refuse de payer pour un système éducatif qui détruit. Je ne veux plus pleurer lorsque je m’occupe de mon administratif. Ce mot n’existera plus dans mon quotidien. Je ne veux plus courir d’un rendez- vous à un autre, cette sensation si vorace qui transforme une journée en quelques miettes, sans la douceur d’un souffle lent. Je refuse cet essoufflement de la vie. Je ne veux plus être à côté de l’instant, parce que j’angoisse pour demain. Je refuse que tu m’éloignes de l’art de la simplicité, essentielle à mon existence. Celle de prendre le temps d’écouter les oiseaux voler et de regarder la magie d’une graine qui pousse. De remercier la terre pour sa générosité. Je refuse que tu détruises ma poésie. Je refuse que tu me détruise.
Je refuse. Je te refuse. Je te hais.
Je continuerai à travailler pour moi- même et pour les autres, car cela me passionne et me nourrit. Mais jamais je ne te laisserai transformer cette passion en obligation.
Tu as perdu une de tes esclaves. Nous sommes des êtres libres. Je te tire ma révérence et un doigt d’honneur.

Désormais, je prends le temps de vivre. Lentement.

Coquelicot de Perrot
9 janvier 2019
source : https://www.facebook.com/charlotte.deperrot/posts/665468090535075

 


 

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