L'ARBRE À PALABRES, Sagesse & beauté

LE MAÎTRE INVISIBLE


Eric Baret – Dans les temps anciens, en Inde, la présence du maître était invisible. La liberté n’était pas liée à une fonction, les brahmanes, les ascètes, les rois n’étaient pas plus libres que les valets ou les musiciens.

Dans l’Inde traditionnelle, l’état de liberté n’est pas lié à une expression. Les ashrams, les groupements et les maîtres sont des créations récentes. Un homme sans référence attire par son humilité, par sa liberté, quelques amis qui vivent auprès de lui, où s’opère une découverte de l’Amour.

Pour ce qui est de la mode des gurus, c’est uniquement par fainéantise que l’on recherche un maître, et de préférence un grand maître, que l’on recherche une école profonde très ancienne, très mystique, riche d’un vaste bagage d’enseignements, où l’on recevra des initiations indispensables.
Tout cela c’est du commerce. Il n’y a rien à enseigner, ni rien à recevoir.

Le fait d’être libre ou d’être ouvert ne s’enseigne pas. Même si elle est quelque peu inévitable, cette recherche du maître doit céder la place à la recherche de ce que l’on est. On ne le trouve pas à l’extérieur, ni en quelque lieu.

Un être libre vous aide à formuler votre questionnement, à pressentir cette liberté en vous, c’est merveilleux.

Question – Mais cela demande de regarder la vie avec une extrême attention, une attention beaucoup plus soutenue que ce que d’ordinaire nous appelons « attention »…

Eric Baret – Oui. Cette ouverture s’exprime dans toutes les convictions de la vie.

Si je trouve que ma femme doit changer, que mon fils ne doit plus se droguer, que mon corps devrait être autrement, que si je faisais ceci ou cela, je serais vraiment heureux, cela révèle bien que cette prétendue recherche spirituelle n’est qu’une farce de bazar, et que la lecture de textes sacrés, la rencontre de maîtres, de sainteté, de swami, de pape, de dalaï-lama et autres créatures de ce genre, ne sont que compensations dramatiques.

Quittez toute voie spirituelle. Ne vous ruinez plus en séminaires spirituels. Surtout auprès d’êtres réalisés. Délaissez votre église et votre pape. N’enrichissez plus l’Inde des Birla et des Tata. Restez chez vous. Jetez vos tofus et votre prétention à la paix par l’alimentation, le Yoga ou autre taïchi-chuan.

Regardez. Ressentez. Regardez combien vous vous enfuyez de la réalité quotidienne.

Vous avez un conjoint qui vous trompe, un cancer, un enfant drogué. Merveilleux, voilà la vraie vie. Voyez comme vous êtes affecté. Ne prétendez rien, n’essayez pas de vous échapper. Pas de recette, d’exercice, d’attitude à observer. Être lucide. Sentez la peine, la tristesse, la peur. C’est Dieu en activité. C’est votre chance.

Quand vous ne prétendez plus que les choses devraient être autrement, mais que vous vous donnez à ce qui est dans l’instant, tout est possible. Vous verrez que la vie est belle dans toute son expression, dans l’humilité de recevoir ce que les anges distribuent avec une totale équité.

Là, plus de séparation spirituel/non spirituel, plus de spiritualité de bazar, plus de loi, de jugement de valeur. Seul l’instant règne en maître. Plus de futur ni de passé. Plus de place pour être quelqu’un.

Eric Baret, in Le Sacre du Dragon Vert


 

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