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UNE VISITE EN COUP DE FOUDRE


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UNE SEMAINE DANS UNE MAISON DE RETRAITE

Je viens de passer une semaine entière dans une maison de retraite dans le Sud-Ouest de la France.

Une semaine, ce n’est pas beaucoup. Mais c’est assez pour vous raconter l’histoire banale de Grand-Mère.

Grand-Mère a bientôt 88 ans. Séparée de son mari qui l’a quittée pour vivre avec sa secrétaire (plus banal, tu meurs), Grand-Mère s’est réconciliée avec celui qui, dans son cœur, est toujours son mari ainsi qu’avec la compagne de celui-ci. Une réconciliation par le cœur, authentique, émouvante.

Il n’empêche que Grand-Mère est désormais seule, malgré l’existence de ses cinq enfants qui ne viennent lui rendre visite que fort rarement. A une exception près. L’exception qui confirme la règle… Les autres ont mille excuses. Ils n’ont pas le temps, ils sont très occupés, ils habitent trop loin. Et quand ils pointent le bout de leur nez, c’est le plus souvent en coup de vent. Dans cet univers où tout est lent, très lent, il faut faire vite, très vite. Peut-être pensent-ils ainsi échapper à la mort. Leur propre mort.

Cela doit sans doute être trop difficile pour ces enfants de voir Grand-Mère dans sa chaise roulante, ayant tant de mal à finir ses phrases, souvent prostrée en attendant, avec les autres pensionnaires tout aussi prostrés, les repas du midi ou du soir. Des repas qui fixent le temps d’une journée sans fin.

Car on mange bien dans cette maison de retraite qui a plutôt une bonne réputation. On mange même trop bien. C’est fort bon pour le palais mais pas vraiment pour la santé. C’est peut-être pour cela que Grand-Mère a pris une vingtaine de kilos en deux ans. La bonne bouffe cumulée à certains médicaments, cela fait méchamment grossir.

Pourtant, quand l’une de ses filles – la fameuse exception – l’y incite, avec une patience et un amour sans borne, Grand-Mère quitte sa chaise roulante et se remet à marcher. Certes lentement, à petits pas. Mais elle marche. Elle revit. Elle sourit. Petits tours en auto, visite d’amis dans le voisinage, Grand-Mère n’est plus seule. Seule avec les esseulés de la maison de retraite. Mille animations, pourtant de qualité, ne remplacent pas l’intimité familiale.

Aux dernières nouvelles, on annonce que l’espérance de vie n’en finit pas de s’allonger en France, d’année en année.

J’ai de la peine à m’en réjouir.

Alors je me mets à rêver. Rêver que Grand-Mère et Grand-Père sont toujours ensemble. Qu’ils se soutiennent dans leur faiblesse. Qu’ils accueillent dans la joie leurs enfants, petits et arrière petits-enfants. Qui viennent les voir non en coup de vent. Mais en coup de foudre. Comme un éclair d’amour qui rajeunit les esprits, les cœurs et les corps…

Philippe Le Bé, journaliste
10 mars 2017
publication originale à lire ICI


 

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