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ENFANTS DOMINANTS

RTBF – Tendances Première : Les Tribus – 06.10.2023
Bruno Humbeeck : « L’empathie n’est pas le problème exclusif de l’école, mais de toute une société »


Face au harcèlement à l’école, Bruno Humbeeck, psychopédagogue à l’UMons et auteur, entre autres, du livre Harcèlement scolaire : guide pour les parents, explique dans Tendances Première l’importance aujourd’hui de la compassion, qui est selon lui « de l’empathie en mouvement, où l’émotion de l’autre est aussi importante que la sienne ».

Bruno Humbeeck distingue l’empathie, le fait de prendre conscience de ses émotions, de la compassion, qui est de réagir en fonction de cette prise de conscience, pour venir en aide : « Le moteur de la compassion est la bienveillance qui n’est pas la solution mais bien la condition de la solution. La compassion suppose que l’autre a des émotions différentes des miennes, dont je dois tenir compte ».

Pour lui, faire des ateliers d’empathie pour régler le problème du harcèlement, comme l’a déclaré le ministre de l’éducation en France, est complètement insensé : « L’empathie ça ne s’enseigne pas, ça se pratique dans les relations quotidiennes parce que l’on a éveillé son intelligence émotionnelle ».

En Belgique, bientôt un observatoire pour donner des outils contrer le harcèlement

La Belgique a quant à elle une longueur d’avance dans ce domaine. « En Belgique, les premiers pas pour enrayer le harcèlement vont trop lentement, mais ils vont au moins dans la bonne direction. La très bonne direction même, quand je vois par exemple se mettre en place un observatoire qui met à disposition des enseignants tous les outils qui montrent des résultats concrets contre le harcèlement. Le fait que les parents savent que les enseignants ont accès à ces outils, permet un apaisement ».

Comme l’explique Bruno Humbeeck, la Fédération Wallonie-Bruxelles effectue des appels à projet qui se démultiplient en ce moment, en vue de nourrir ce nouvel observatoire : « Une fois qu’il sera suffisamment nourri, je suppose qu’ils vont le mettre à la portée des enseignants. J’espère que cela se fera assez rapidement et qu’il y aura une communication claire auprès des parents ».

Il précise : « Pour le moment, quelques écoles sont accompagnées pour la mise en place de ces outils, en espérant qu’une fois que ces écoles seront équipées, elles essaimeront auprès des autres ».

Face au mot ‘harcèlement’, certaines écoles nient le problème

Le psychopédagogue déplore bien sûr les écoles qui nient encore le harcèlement qui se jouent dans leur établissement. Mais pour ouvrir le dialogue sur la question avec la direction, il suggère aux parents d’employer un autre vocable. « Pour ma part, j’évite ce mot harcèlement qui est un mot bélier dont on a l’impression qu’il sert à ouvrir la porte de façon fracassante » souligne le psychopédagogue qui conseille : « Si un parent dit à l’école qu’il aimerait que l’on trouve ensemble des solutions car son enfant vit des émotions difficiles telles que la peur, la colère ou la tristesse, je ne connais pas d’école qui va fermer sa porte ».

Pour Bruno Humbeeck, chercher ensemble des solutions, en sachant qu’aucune n’est une solution miracle, permet à l’élève de se sentir accompagné et à l’enseignant d’être encadré : « Ensemble, on va faire émerger les émotions de nos élèves et on va voir comment on peut travailler sur ces émotions pour rendre l’espace scolaire vivable pour l’enfant. Le pire, c’est quand l’école et la famille créent des tensions autour de lui ».

Rôle des parents pour transmettre la compassion

Bruno Humbeeck, titulaire d’un master européen de recherche en Sciences de l’Éducation, pointe une chose essentielle à dire à un parent : « Etre parent d’un enfant dominant est tout sauf rassurant ! Si vous avez un dominant qui ne fait pas preuve d’empathie, que l’on appelle un dominant statutaire, qui veut juste être attaché à être chef sans être soucieux des émotions des autres, son avenir est très sombre au niveau des névroses. Garder ce statut est très fatigant au niveau psychologique et aussi au niveau de sa trajectoire personnelle et professionnelle ».

En conclusion, il est évident pour lui que l’empathie n’est pas le problème exclusif de l’école, mais « de toute une société ». Sensibiliser son enfant aux émotions de ses camarades de classe relève donc d’un véritable travail éducatif chez le parent : par exemple, il ne s’agit plus de rire si votre enfant annonce qu’il s’est moqué d’un ou d’une congénère, mais de pointer les émotions qu’a dû ressentir ce dernier ou cette dernière. « Et donc il faut aussi que le parent puisse reconnaître ses propres émotions, les exprimer auprès de son enfant d’une façon socialement acceptable. Il ne s’agit pas de faire des crises de colère. Mais quand on est en colère, cela doit se voir. Ce sont tous ces mécanismes-là qui font que le discours autour des émotions devient bien plus audible que lorsque l’on disait aux parents qu’ils devaient être zen et contrôler de manière absolue leurs émotions ».


 

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