CHRONIQUES, LA CHRONIQUE D'ANNA

MES VOEUX D’IMMIGRÉE

Le Muids, 9 janvier 2015

Je n’ai pas grandi en terre d’Islam !

Entre Suisse et Italie, j’ai été nourrie au christianisme (ni catholique, ni protestant, ni évangéliste, ni rien, juste chrétien), j’ai été bouleversée par un maître soufi, et je me suis reconstruite avec les védas hindous.

Crois-je en Dieu ? Je n’ai jamais su répondre à cette question…. Et j’ai cessé de chercher à y répondre.

Par pitié (ou par intelligence) cessons de parler d’ « islam »istes ! Parlons d’ignorance, de totalitarisme, de barbarie, de la bête immonde, d’accord. Mais pas d’islamistes, ni de musulmans. La barbarie a toujours existé et elle existera malheureusement certainement toujours. A une échelle ou à une autre. (Ce qui se passe dans les forêts primitives du monde en est une, plus discrète, moins médiatique, mais néanmoins abjecte, mais là n’est pas exactement le propos ici.)
.
.
Je n’ai pas grandi en terre d’Islam, non, mais, il y a une 30aine d’années à peine, pas si loin d’ici, je me souviens qu’enfant …

Enfant, les hommes et les femmes de mon église étaient assis séparément.

Enfant, les femmes portaient un foulard noir, avec ou sans deuil.

Enfant, je me faisais battre, puissamment, si j’étais vue parlant (pire, rigolant) avec un garçon dans la rue.

Enfant, je me faisais battre si je disais non.

Enfant, j’ai dû me battre contre la violence de l’ignorance et de l’analphabétisme environnant.

Enfant, on m’a appris que si j’obéissais, tout allait bien se passer…. Comme on l’a dit à tant d’autres petites filles et petits garçons avant moi…..

Enfant, on me disait qu’on me faisait « ça » parce qu’on m’aimait.

Enfant, à défaut d’être protégée de la folie, j’ai eu la chance infinie de vivre ICI, en Suisse, et de recevoir une éducation parallèle, autre, différente, inspirante. Cette éducation, je me suis battue pour l’avoir, je l’ai payée cher, parfois très cher…. C’était le prix de ma guérison, de ma liberté.

ICI, à défaut de racines (qui ont pris du temps à pousser), j’ai pu me reconstruire une colonne vertébrale solide !

ICI, j’ai appris que l’amour n’était pas nécessairement violence.

ICI, j’ai découvert que j’avais le CHOIX, que je pouvais laisser l’histoire se répéter, ad vitam aeternam, ou dire STOP.

J’ai dit STOP ! et je continue à le dire jour après jour…. Dans mes œuvres et mes combats quotidiens, plus ou moins discrets, plus ou moins modestes.

Aujourd’hui, comme je l’ai déjà fait tant de fois dans le silence de mon coeur, je dis MERCI, MERCI à cette terre de liberté qui a accueilli ma famille, même si dans des conditions souvent peu dignes. Je dis merci, malgré tout, à mes parents, qui ont trouvé la force de rester, malgré les humiliations et la douleur. Je dis merci à l’immigration, qui m’a arrachée à une misère programmée.

Aujourd’hui, malgré la douleur qui me serre les tripes quand je pense à la Rue Lenoir, je regarde d’où je viens, d’où nous venons et je garde espoir !

Je veux garder espoir pour tous ces immigrés et enfants d’immigrés, qui se trouvent ici entre deux mondes, entre deux cultures, entre deux ….

Je veux garder espoir pour eux, pour nous (oui, je dis nous maintenant) parce que l’immigration est – par delà la douleur – une chance, une bénédiction, une richesse, une promesse. A eux, à nous de la tenir. En permettant l’accès à l’éducation, à la culture, à la bienveillance, à la dignité, à des modèles différents. Oui, cela demande du courage et de la détermination de se battre contre l’ignorance et ses conséquences souvent dramatiques.
A nous de trouver en nous cette force et cet ancrage pour continuer à passer le flambeau !
.
.
Aujourd’hui, je veux me rappeler cela, et uniquement cela : la Liberté peut-être bafouée, insultée, violentée, brutalisée, malmenée, mais ne pourra jamais JAMAIS mourir.

A tous mes frères et mes sœurs, de tous âges et de toutes origines, meurtris et violentés de par le monde, à tous ces êtres meurtris dans leur chair et dans leur âme parce qu’ils croient en l’amour et en la liberté, qui se battent avec leur âme, leur intelligence, leur cœur, je rends humblement et respectueusement hommage ici, avec ce simple MERCI !

A tous ces êtres encore trop faibles pour se mettre debout, je dis BRAVO, continuez le combat intérieur…. La lumière est au bout du chemin…

A tous les autres, aveugles, ignorants et lâches, certainement meurtris à leur manière, je souhaite de rencontrer des âmes intelligentes et suffisamment fortes pour leur montrer d’autres voies.

A nous tous, je souhaite plus qu’une année, une VIE digne, debout, LIBRE ! Libre de la peur !

Moi qui n’avais encore envoyé mes vœux de Nouvel-An à personne, je nous les envoie à nous tous ici….

Vous pourriez également aimer...